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Le Bassin du Nil : un enjeu géopolitique majeur

Article paru sur le site Revue Politique et Parlementaire - https://www.revuepolitique.fr


Le Nil constitue l’un des principaux fleuves du monde. Il présente une superficie de bassin d’environ 3 112 369 km2. Il est formé avec la confluence du Nil Blanc, qui prend sa source sur les pentes du Moujoumbiro dans la région des grands lacs de l’Afrique orientale au Burundi et Rwanda et du lac de Tana, qui forme le Nil bleu à partir de l’Éthiopie et fournit environ 86 % des ressources en eau du bassin.

Ce fleuve, dont le volume moyen annuel est évalué aux alentours de 84 milliards de m3 avec une importante irrégularité interannuelle, parcourt 6 671 kilomètres et traverse les pays suivants: Rwanda, Erythrée, Tanzanie, Ouganda, Congo, Burundi, Kenya, Éthiopie, Soudan, le Soudan du sud; et rejoint la Méditerranée à travers l’Égypte.


En Égypte, la crue du Nil enregistrée à Assouan intervient en été, dès fin juillet, pour se terminer en novembre. Durant cette période, le débit varie selon un rapport de 1 à 16, soit 520 m3/seconde au mois de mai et s’élève à 8 500 m3/seconde en septembre.


Deux problèmes essentiels se posent à l’Égypte, considérée comme étant un pays relativement plus développé par rapport aux États partageant le bassin du Nil bleu : le risque de sécheresse et l’accroissement de la population. Cette évidence fait que l’Égypte dépend entièrement du fleuve du Nil pour son développement socio-économique, qui est directement lié à la sauvegarde de son eau et à la sécurité alimentaire de la population.


Pour cet État pratiquement sans précipitations, on peut s’apercevoir que les eaux du Nil peuvent produire pour une année moyenne de la nourriture pour moins que la moitié de la population du pays et, de ce fait, le gouvernement doit nécessairement s’orienter vers l’importation de larges quantités de denrées agricoles pour satisfaire les besoins alimentaires de sa population.

Pour la plupart des experts en eau, l’importation des aliments représente une quantité « d’eau virtuelle » dont le pays aurait besoin pour produire lui-même sa nourriture.

Cette exigence, qui est directement liée à la croissance démographique en Égypte, au Soudan et en Éthiopie dans le bassin du Nil bleu, constitue l’élément essentiel des négociations sur le partage des eaux du fleuve.


Il faut noter que la population de ces trois pays est de l’ordre de 250 millions d’habitants, sans oublier de mentionner que la population totale de tous les États traversés par le Nil s’évalue actuellement aux alentours de 1.2 milliard d’habitants, et elle est prévue d’augmenter à des taux variables d’un pays à un autre.


Malgré les changements dans la croissance démographique de ces États et dans un contexte politique très tendu du fait du barrage de la Renaissance en Éthiopie, l’Égypte et le Soudan proposent un mode de gestion trilatéral vis-à-vis des quantités d’eau du Nil bleu. La quantité de 55,5 km3 par an, qui est déjà fixée dans l’accord bilatéral Égypte-Soudan de 1959, peut être reconsidérée dans le cadre d’une gestion globale du bassin en assurant un partage équitable et une rationalisation des pratiques agricoles en fonction des besoins des trois pays riverains.


Aujourd’hui, l’Égypte et le Soudan continuent de revendiquer un accord-cadre sur l’exploitation de cette retenue pendant que l’Éthiopie signalait qu’elle avait des plans pour construire des retenues supplémentaires dans ces territoires, autres que celui de la Grande Renaissance sur le Nil bleu. C’est dans ce contexte que l’Éthiopie projette de gérer unilatéralement le Nil bleu à l’amont par l’intermédiaire de ces ouvrages.


Ces derniers ne pourraient pas être financés par des prêts internationaux, du fait de leur situation transfrontalière, en l’absence d’un accord-cadre basé sur un consensus régional qui préserve le droit à l’eau des pays riverains, et aussi du mode de gestion préconisé par le gouvernement d’Addis Abeba. De plus, le Nil bleu fait face de nos jours à des situations très contraignantes liées à une forte demande énergétique pour assurer le développement des pays riverains, et à une dépendance économique et politique aggravée par l’absence de complémentarité et de coopération entre l’Égypte, le Soudan et l’Éthiopie.


Le Barrage de la Renaissance : un conflit nilotique sans précédent

De nos jours, le Nil connait un nouvel essor conflictuel lié à la finalisation de la construction du Grand Barrage de la Renaissance Éthiopienne, mais aussi à son volume de stockage surdimensionné et techniquement non validé par des autorités compétentes en la matière, telles que le Comité International des Grands Barrages (CIGB).

La problématique de l’eau liée à ce bassin est un point vital pour l’Égypte, dont le territoire est implanté dans un des plus grands déserts du monde.

D’un point de vue économique, le Nil est le principal outil du développement et de la richesse des nations concernées, sachant que plus de 90% de la population égyptienne vit sur les bords du Nil et que l’économie entière de l’Égypte repose sur ce fleuve et son apport hydrique ; ceci montre le danger que pourrait causer le projet éthiopien s’il ne prenait pas en considération la présence et la situation particulière des pays riverains.


Le dimensionnement excessif de cet ouvrage pose sans aucun doute nombre de problèmes, en particulier ceux qui sont liés à la préservation de l’écosystème du Nil en tant que patrimoine naturel et historique, où la civilisation pharaonique a connu son essor. D’autres paramètres restent jusqu’à ce jour non réglementés ni contrôlés et influent négativement sur la régulation hydrique du Nil bleu, à savoir :

  • la stabilité structurelle du barrage de la Renaissance,

  • l’impact environnemental de la retenue,

  • l’exploitation non programmée du barrage en période d’étiage et de crues engendre une diminution de la crue et une sécheresse lourdement destructrice,

  • l’approvisionnement en eau des pays en aval.


Il est donc urgent de signaler que la géomorphologie de ce cours d’eau est menacée par un certain nombre de processus et de conditions environnementales comme la composition physique du terrain, l’érodabilité de son lit, la végétation, le transport de sédiments et leur vitesse de dépôt.


A ce niveau-là, l’eau provoque par son stockage, sa gestion unilatérale, sa distribution aléatoire et sa géographie spécifiques, plusieurs sources de tensions et de conflits à venir entre les pays arabes d’un côté ; à savoir le Soudan et l’Égypte, et d’un autre côté les pays africains tels que l’Éthiopie et ceux du Nils blanc, sachant que la géopolitique de l’eau dans la région domine depuis plusieurs décennies les relations internationales en Afrique de l’Est et pèse lourdement dans la diplomatie de ces pays. Il est important de rappeler qu’en 1999, neuf pays se sont associés à côté de l’Égypte au sein de l’Initiative du Bassin du Nil (IBN), mise en place avec l’aide de la Banque Mondiale afin de renverser la tendance historique des confrontations et conflits et en vue d’exploiter le Nil comme un catalyseur de coopération et d’intégration. Malheureusement, cette initiative n’a pas abouti malgré le soutien de la communauté internationale et ses encouragements pour consolider la coopération entre les pays nilotiques. Cela concerne d’abord et en priorité, bien entendu, le soutien financier pour le développement des pays du bassin.


Le Grand Barrage de la Renaissance Éthiopienne: un nouvel échec des pourparlers

Le mois d’avril a connu l’échec d’une tentative supplémentaire de négociations entre l’Égypte, le Soudan et l’Éthiopie pour trouver une solution au conflit qui date de plus de 10 ans sur le projet controversé du barrage de la Renaissance d’Addis-Abeba.

Les tensions étaient vives entre les pays riverains avant les réunions de Kinshasa, capitale du Congo.

À cette occasion, l’Égypte a averti que c’était la dernière chance de parvenir à un accord avant que l’Éthiopie ne profite de la prochaine saison des pluies d’été pour commencer à remplir le barrage de la Renaissance pour la deuxième fois. L’Égypte a également averti que le barrage pourrait nuire à son approvisionnement en eau, dont plus de 90% vient du Nil, tandis que le Soudan craint que les barrages en aval soient affectés par ce processus et a informé le gouvernement éthiopien que Khartoum n’hésiterait pas à saisir le conseil de sécurité, à l’instar de l’Égypte, comme dernier recours diplomatique avant une escalade imminente.


L’Éthiopie, quant à elle, affirme que le projet de la retenue, dont la construction a occasionné des dépenses estimées à 5 milliards de dollars, est nécessaire pour la production hydroélectrique de 8000 MGW, sachant que jusqu’à ce jour, le gouvernement éthiopien n’a présenté aucune justification technique valable concernant le volume de stockage de 70 milliards de m3 d’eau. Avant même le début des pourparlers, le Président Égyptien Abdel Fattah El-Sissi a averti que “personne ne sera autorisé à prendre une seule goutte d’eau égyptienne, sinon la région tombera dans une instabilité inimaginable”. Après que les négociateurs ont quitté Kinshasa sans réaliser aucun progrès, l’Éthiopie a indiqué qu’elle ne changerait pas ses plans de remplissage du réservoir du barrage.


Cela a incité le Président El-Sissi à avertir que “toutes les options sont ouvertes” pour éviter tout impact sur le quota d’eau de l’Égypte.


Il faut signaler que ce méga projet éthiopien construit sur la branche du Nil bleu du fleuve, près de sa frontière avec le Soudan, est conçu pour qu’il soit le plus grand barrage d’Afrique dans le but de soutenir le développement de l’Éthiopie et faire du pays une grande puissance régionale. En juillet dernier, le gouvernement éthiopien a donné son feu vert pour le remplissage de cet ouvrage hydrique d’une façon unilatérale.


La rapidité avec laquelle le barrage s’est rempli a conduit à des appels du Soudan et de l’Égypte pour une gestion conjointe de l’ouvrage, ce que l’Éthiopie a rejeté. Alors que cette retenue touche à sa fin, les efforts pour trouver une solution négociée à l’impasse sont devenus de plus en plus risqués.


La crise du Nil et le refus de tout mécanisme de médiation

Le président congolais Félix Tshisekedi, qui a pris la présidence de l’Union Africaine en début d’année, a été le dernier interlocuteur de haut niveau après l’intervention de la Banque Mondiale et le secrétariat du trésor des États-Unis, le Président de l’Union Africaine, a “essayé” de parvenir à un accord sans résultat tangible. Mais même après que les pourparlers aient été prolongés à un troisième jour, il n’a pas été en mesure de convaincre les responsables éthiopiens de signer une proposition avancée par le Soudan et l’Égypte et qui vise à faire intervenir des représentants de l’Union Européenne, des États-Unis et des Nations Unies comme médiateurs.


Après les pourparlers, l’Éthiopie a publié une déclaration affirmant que le pays “ne peut pas conclure un accord qui la priverait de ses droits légitimes actuels et futurs d’utiliser le Nil”.


Une nouvelle alliance vient se tisser entre l’Ouganda, pays riverain du bassin du Nil blanc, et l’Égypte. Ces deux pays ont signé un accord d’échange de renseignements militaires «pour lutter contre le terrorisme». Cet accord à caractère militaire et sécuritaire, serait-il un moyen pour augmenter les pressions sur Addis Abeba en cas d’échec des négociations?


D’autant qu’il existe désormais une alliance politique et militaire entre l’Égypte et le Soudan, et qu’ils n’hésiteraient pas de saisir le Conseil de sécurité pour isoler l’Éthiopie.

Selon moi, l’Éthiopie est en train de faire de la surenchère pour des raisons électorales et il va falloir mobiliser le peuple autour de la cause importante qu’est ce barrage.

L’implication des experts dans les problèmes de sécurité au niveau des bassins transfrontaliers et leurs appels constants pour appliquer le Nexus Eau-énergie-alimentation en tant que solution à ce conflit dans la région, constitueraient une feuille de route pour une médiation basée sur 4 éléments qui sont les suivants :

  • Le premier consiste à créer une base de données commune à partager entre les pays riverains.

  • Le deuxième consiste à créer une base juridique commune basée sur un partage équitable et une utilisation raisonnable de l’eau.

  • Le troisième est d’établir une agence de bassins qui regrouperait tous les principaux acteurs impliqués dans la gestion du cours d’eau.

  • Le quatrième est d’établir une convention commune basée sur le concept de l’hydrodiplomatie et du « Nexus », à savoir : la corrélation entre les ODD 2, 6,7, l’eau, l’énergie et l’alimentation.


La coopération transfrontalière: levier de la paix et de la stabilité pour l’Ethiopie

La coopération entre les pays qui partagent des bassins internationaux est une question de survie pour les générations futures, et un moyen inévitable pour le développement durable des pays du cours d’eau en question.


C’est aussi une opportunité pour bénéficier des bienfaits économiques qui pourraient être générés. Cette coopération doit être fondée sur les principes et les normes du droit international et des conventions onusiennes, afin que les intérêts de tous les États soient pris en considération. La coopération transfrontalière n’aura pas lieu sans une volonté politique guidant tout le monde, et une volonté ferme d’utilisation juste et raisonnable des ressources en eau partagées, car le principe de souveraineté absolue exigé par certains pays situés à l’amont des bassins ne peut être accepté par la communauté internationale.


Il est regrettable que les trois pays riverains du Nil Bleu, en l’occurrence l’Égypte, le Soudan et l’Éthiopie, n’aient pas été en mesure de parvenir à un accord qui garantit le droit à l’eau de ces nations en espérant que les négociations sur le barrage reprendront immédiatement et avant le début du deuxième remplissage, avec l’aide des parties proposées par l’Égypte et le Soudan afin de parvenir à un accord juridiquement contraignant pour tous pour l’exploitation de cet ouvrage.


Le fait de ne pas parvenir à un accord entraînera une situation dangereuse dans la région qui pourrait dégénérer vers un conflit ouvert à toutes les conséquences.

Il est internationalement reconnu que le concept de l’Hydrodiplomatie et l’approche du Nexus présentent l’unique solution pour une gestion optimale des cours d’eau transfrontaliers tels que le Nil, le Tigre et l’Euphrate et le Jourdain.

La récente déclaration du président Sissi a fixé la règle du jeu pour entamer des initiatives sérieuses et durables. La solution à la crise actuelle devrait donc se baser sur le consentement de tous les pays riverains car la situation actuelle ne permet pas une exploitation interne populiste de cet ouvrage…


Cette prise de position ferme de la part du Président Égyptien a incité dernièrement le gouvernement Éthiopien à annoncer sa volonté de partager des données sur l’eau avec l’Égypte et le Soudan, et il serait souhaitable que les Éthiopiens n’aient plus recours au « principe de Harmon », qui signifie la souveraineté totale sur l’eau de la part du pays amont, et cela est en contradiction avec tous les accords internationaux. Mais les Éthiopiens ne bénéficient pas d’une large marge de manœuvre, car le Nil Bleu n’est pas le leur, mais appartient plutôt aux trois pays concernés, et l’Égypte dispose de nombreux moyens puissants pour arrêter la déstabilisation de la région; comme elle le fait, pour lutter contre le terrorisme.


La Doctrine Harmon

La doctrine de la souveraineté territoriale absolue, appelée également Doctrine Harmon, consiste à reconnaître à l’entité étatique, l’entière souveraineté sur les ressources hydriques présentes sur le territoire dont elle assure l’administration. Cette doctrine affirme la souveraineté absolue d’un État sur la portion du fleuve international traversant son territoire.

La souveraineté territoriale absolue proclame qu’un État peut user des eaux sur son territoire de la façon qu’il estime la plus conforme aux intérêts nationaux, indépendamment des conséquences externes.

La doctrine dite “Harmon” de la souveraineté absolue est explicitement formulée lors du différend qui a opposé les États-Unis au Mexique en 1895 (Déclaration de l’Attorney général des États-Unis Harmon du 12 décembre 1895 à propos du Rio Grande), et devrait normalement s’effacer au profit de la “souveraineté limitée”, impliquant que le droit souverain pour un État d’utiliser les eaux situées dans son territoire est limité par le devoir de ne pas porter préjudice de ce fait à d’autres États. Cette doctrine a de fait été abandonnée vers les années 50 et n’est plus invoquée que dans les situations de perturbations diplomatiques.


Dès lors que l’État abandonne une partie de cette souveraineté territoriale absolue, il entre dans une logique de restriction acceptée à sa souveraineté, faisant de l’eau une ressource partagée : émerge alors le principe d’un « usage raisonnable et équitable », qui revient à considérer que les États ne peuvent faire qu’une « utilisation non dommageable de leur territoire ».


La mise en œuvre de la “Doctrine Harmon” est généralement défendue par les gouvernements des pays en amont, qui reconnaissent en elle le meilleur moyen d’éviter toute ingérence dans leurs affaires internes.


L’application de cette doctrine aboutit aux conséquences suivantes:

  • Politiques, par la provocation des perturbations dans les relations des pays riverains ainsi que dans les intérêts nationaux divergents ;

  • Économiques, une absence de bienfaits échangés entre les pays riverains ;

  • Techniques, l’impossibilité de l’appliquer à la production hydroélectrique d’un bassin international qui forme les frontières entre deux pays ou plus ;

Cette doctrine est contre le principe de l’égalité et de la justice entre les pays riverains d’un seul fleuve, ignore la réalité de l’interdépendance entre les riverains d’un seul fleuve, et ne convient pas avec le besoin de coopérer.


La Doctrine Harmon introduit dans l’utilisation des eaux internationales un germe d’incertitude, voire d’anarchie. Car la souveraineté d’un riverain s’oppose à celle d’un voisin. Totalement opposée à cette thèse se trouve celle de l’intégrité territoriale, favorable à l’État d’aval.


L’Hydrodiplomatie et le Nexus: une sortie de crise pour l’Ethiopie


Le droit international exige que les États riverains coopèrent entre eux en s’appuyant sur des ossatures claires et des concepts reconnus tels que l’Hydrodiplomatie et les « trois composantes » du Nexus ; Eau, Énergie et Alimentation, qui représentent les trois objectifs du développement durable, ODD 2, 6 et 7. Les trois pays: l’Éthiopie, l’Égypte et le Soudan, ont besoin de sécuriser leur alimentation, leur énergie et l’eau potable pour leur population. L’Égypte étant déjà un pays qui dispose d’une production énergétique satisfaisante, aurait uniquement besoin d’une eau abondante pour son alimentation et ses besoins en eau potable, ce qui n’est pas le cas pour les autres pays riverains tels que l’Éthiopie, qui veut produire 7000MGW dont 3000MGW pour sa demande énergétique locale et vendre le reste aux pays africains par lesquels passe le Nil Blanc, dans le but de fournir des fonds financiers pour améliorer sa situation économique. Le Soudan, État qui se situe à la confluence du Nil Blanc et Bleu, aurait aussi besoin d’une énergie abondante pour le développement de son pays.

Ainsi, le stockage excessif de l’eau dans le barrage de la Grande Renaissance pourrait affecter directement le remplissage des barrages soudanais et mettre hors état d’exploitation des stations de potabilisation de ce pays.

Pour cela, il valait mieux s’entendre d’abord sur le remplissage et la taille du barrage, qui aurait dû être de 14 milliards de mètres cubes, et non de 70 milliards, car la production de 8 mille mégawatts nécessite techniquement que la taille du barrage soit de 14 milliards, et pas plus. Il est aussi urgent de prévoir la construction d’une diversion pour que l’eau continue son chemin vers les pays avals. Le remplissage devrait être échelonné dans le but de ne pas affecter le Soudan et l’Égypte. La deuxième étape consistait à lancer le processus institutionnel en créant une agence des bassins à l’instar de l’Initiative du Nil, qui n’a pas réussi parce que les pays en question n’ont pas voulu partager leurs données hydrologiques telles que les périodes de crues et d’étiage. Le processus diplomatique et politique viendra en dernier pour couronner un accord durable sur le bassin.


La bonne volonté déclarée par le Président Sissi en 2015 pour la construction du barrage de la Renaissance par l’Éthiopie, n’a pas été honorée par Addis Abeba qui en a profité pour instaurer son unilatéralisme sur le Nil Bleu. Mais à cette époque, l’Égypte passait par une période critique qui consistait à stabiliser le pays et n’a pas pu exercer la pression nécessaire pour mettre fin à cet état de fait.


Pour ce qui est de sa position politique, un conflit potentiel est exclu car le gouvernement du Caire dispose de beaucoup de moyens pour asseoir une paix régionale ferme et forte.


En revanche, comme la Turquie devrait maintenant lâcher l’unilatéralisme dans la gestion du Tigre et de l’Euphrate, l’Éthiopie aura à suivre cette même voie en vue d’établir les bases solides de la stabilité régionale longtemps aspirée.


Ainsi, il va falloir mettre l’accent sur l’abandon du « principe Harmon » et la question de la souveraineté sur les eaux internationales qui contredisent la question du partenariat.


Le lien étroit entre la gestion hydrique durable et la réduction des catastrophes naturelles


Le concept de la gestion souveraine de l’eau pourrait causer des catastrophes naturelles exacerbées telles que:

  • La disparition de la Mer d’Aral entre l’Ouzbékistan et le Kazakhistan alimentée par l’Amou Daria et le Syr Daria :

D’ici 2025, l’UNESCO a ajouté cette «tragédie environnementale » à sa Mémoire du Registre Mondial. La mer d’Aral reflète l’héritage de la gestion unilatérale de l’eau de l’URSS dans les territoires annexés pendant la révolution, et en l’absence de considération de l’Hydrodiplomatie et du Nexus Eau-Énergie-Alimentation (qui est liée à l’irrigation) dans la protection des deux rivières internationales, l’Amou Daria et la Syr Daria. Un climat de méfiance règne actuellement entre les pays riverains en raison de l’absence d’un processus hydrodiplomatique avec le NEXUS comme outil qui bloque tout progrès institutionnel visant à établir un accord et à restaurer l’état écologique ainsi que les bassins transfrontaliers de la région.


  • Et la Mer Morte partagée par les pays riverains : Liban, Syrie, Jordanie, Israël et la Palestine :

Une initiative internationale pour préserver cette mer devrait se manifester afin que la diplomatie trouve des solutions à une bonne gestion du bassin du Jourdain, en s’appuyant sur une charte d’éthique de l’eau et une initiative internationale pour que les cinq États riverains favorisent la coopération en relevant le défi du stress hydrique que connaissent les pays arabes de ce bassin.


En raison de la gestion unilatérale du bassin du Jourdain, la tâche diplomatique de trouver des solutions à une bonne gestion en s’appuyant sur la Convention des Nations Unies de 1997 pour un partage équitable et une utilisation raisonnable de l’eau dans la région, est en fait bloquée.


Les 4 États riverains arabes sont signataires de la Convention des Nations Unies et cherchent constamment à favoriser la coopération pour une gestion équitable de ce bassin ; considérant qu’Israël n’est pas signataire de la convention et qu’il promeut des moyens de gestion unilatérale affectant le stress hydrique dans les États arabes.

Le Nil serait-il le troisième exemple à cause du barrage de la Renaissance ?

C’est la raison pour laquelle il est urgent de créer un tribunal international spécial pour l’écologie et d’établir une charte internationale pour la préservation des patrimoines naturels, surtout ceux qui sont directement liés à l’exploitation des sources d’eau, sources de vie pour l’homme.


Conclusion


En se basant sur tout ce qui précède, il est clair que le meilleur moyen d’asseoir une paix durable sur le Nil est d’instaurer un cadre institutionnel pour la coopération régionale. Ceci permettrait de faciliter la circulation des facteurs de production, des capitaux et des investissements directs afin de parvenir à un développement durable des trois pays riverains concernés.


Ce type de coopération est aujourd’hui plus que jamais indispensable à la réalisation de la paix, et des objectifs communs de développement et de prospérité.


Cette démarche constituera une solution durable pour palier à la pénurie d’eau et offrir aux générations futures une paix durable pour la région. L’eau serait alors un moteur pour l’entente et l’application de la « Culture de la paix » dans les pays se partageant le Nil.


Les plans coopératifs nationaux et régionaux doivent être de plus en plus consolidés entre les pays du bassin. Grâce à cette plus grande connectivité, les pays du Nil peuvent avancer conjointement vers un développement économique plus fort aux niveaux régional et national, tout en construisant des interdépendances qui renforcent la confiance et génèrent des processus à long terme d’engagement scientifique, de coopération institutionnelle et politique.


En fin de compte, s’éloigner des perceptions profondément enracinées et adopter d’autres idées réalistes permettra aux pays du Nil de franchir le pas vers cette nouvelle ère de coopération régionale basée sur une Hydrodiplomatie active et une démarche participative entre les États concernés.


Enfin, le monde entier aura à faire des choix très douloureux entre : un présent basé sur la culture de la haine, ou bien un futur consolidé par une coopération multilatérale en vue d’aboutir à une paix durable entre les pays riverains.


Bibliographie

· Comair, F. (2018). Hydrodiplomatie et nexus – Eau – Energie-Alimentation. Editions Johanet, France. ISBN 979-10-91089-37-1


· Berthelot, P. and Comair, F. (2018). La Crise de l’eau au Moyen-Orient. Tensions, Changement Climatique et Hydrodiplomatie. Orients Stratégiques n8, Editions l’Harmattan, France. ISBN 978-2-343-16431-1.


. Donzier, Manuel de la Gestion Intégrée des bassins transfrontaliers, RIOB.


· Ballabio, R., Comair, F.G., Scalet, M. Scoullos, M. (éditeurs). (2015). Science diplomacy and transboundary water resources management, the Orontes river case. Publié par l’UNESCO.


Fadi Georges Comair Président de MEDURABLE

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